Il faut bien comprendre qu’un client vegan ou végétalien ne peut se sentir tout à fait à l’aise dans un restaurant qui ne lui propose pas un repas complet et consistant. Quelque soit notre mode alimentaire, nous devrions pouvoir vivre une expérience culinaire totale, de l’entrée jusqu’au dessert, avec plaisir et gourmandise.
Or, bien souvent le client vegan se trouve confronté au manque de connaissances du Chef qui se contente de retirer la protéine animale d’un plat pour ne laisser que quelques tristes légumes dans une assiette qui coûtera parfois le même prix.
Certains Chefs font parfois un effort pour proposer un plat végétal adapté, mais à condition d’avoir été prévenu à l’avance. Et pour le client, c’est sans la garantie que le plat sera à la hauteur de ses attentes.
A cela, s’ajoute l’angoissante question des desserts. Mis à part la triste salade de fruits, le vegan n’aura pas le droit au dessert gourmand et généreux que tout un chacun peut espérer.
Le client vegan ne peut donc pas savoir à l’avance ce qu’il va manger. Il ne peut pas faire son choix sur une carte consultée au préalable, et il ne peut pas se projeter dans cette expérience culinaire tant espérée, en ayant hâte d’y être.
Parce qu’en effet la réalité est toute autre et nombreux sont ceux qui en ont fait la malheureuse expérience. Le client vegan sait qu’il lui manquera toujours quelque chose, que le plat ne sera pas complet, qu’il sera triste ou fade, qu’il sera différent de celui de ses voisins, et qu’il en sortira frustré. Il préférera alors bien souvent s’abstenir et aller dans les endroits où il se sentira rassuré.
Inclure une clientèle essentielle
Les clients des grands hôtels-restaurants restent aujourd’hui principalement des gens qui mangent de tout et des flexitariens en recherche de nouveauté. Les clients “végé” quant à eux, ne sont pas inclus dans la clientèle cible. Ils sont bien peu nombreux et leur demande est trop spécifique, se disent les Chefs soucieux de répondre à la majorité avant tout.
Cette clientèle est malheureusement encore mal comprise par ces Chefs qui ne s’y intéressent que de loin. Malgré tout, on les voit arriver timidement sur ce terrain, avec une posture contradictoire sur le sujet.
En effet, le mot “vegan” commence à rentrer dans les communications des hôtels-palaces et certains grands Chefs l’utilisent de plus en plus. Mais à y regarder de plus près, les plats dits “vegan” ne reflètent pas la réalité de la cuisine végétalienne actuelle. Dans ces lieux haut de gamme, on trouvera essentiellement des plats où les fruits et légumes sont beaucoup trop présents alors que les clients vegan et végétaliens attendent des grands Chefs des créations plus recherchées et sophistiquées.
Aussi, le mot “vegan” utilisé pour identifier les plats sur un menu, et le symbole qui lui est parfois associé, ne sont pas toujours mis au bon endroit, ni décrit de la bonne façon. Dire d’un plat vegan qu’il ne contient aucun produit d’origine animale est vrai, mais en partie seulement. C’est oublier qu’un plat vegan tient compte de tout le processus qui compose la chaîne, du produit jusqu’à l’assiette. Un processus que le Chef ne maîtrise pas toujours.
Quant aux erreurs de service liées à la méconnaissance du sujet, elles provoquent inévitablement un certain malaise entre le client et le personnel.
Les quelques Chefs traditionnels qui proposent une offre végétale le font généralement en toute confidentialité, sans inclure la dimension vegan en tant que telle ni interroger les principaux concernés.
Alors si la clientèle vegan et végétalienne n’est pas la priorité, pourquoi préciser qu’un plat est vegan, et à qui s’adresse l’identification sur les menus ?
Utiliser le terme “vegan” sans le comprendre réellement, tout comme ne pas cibler la clientèle principale, est donc un paradoxe total. C’est prendre le risque de faire des erreurs et de rendre l’ensemble confus pour le consommateur. C’est s’interdire l’ouverture à une clientèle en pleine expansion et prendre du retard dans la connaissance du sujet.
Assumer une cuisine nouvelle
Proposer une cuisine végétale est tout un art. Cela demande en effet de comprendre les attentes d’un nouveau style de clientèle. C’est apprendre à cuisiner autrement, appréhender de nouveaux ingrédients, apprendre de nouvelles techniques, aller chercher l’information auprès des experts, et oser.
Aujourd’hui, les “a priori” qu’ont encore certains Chefs au sujet de la cuisine végétalienne empêchent le client vegan d’accéder à du végétal haut de gamme et freinent la profession dans l’évolution des mentalités.
La cuisine vegan mérite en effet bien plus que ce qu’on veut bien lui attribuer et il est grand temps de se dire que les temps ont changé.
Encourager les initiatives
En attendant, il est important d’encourager les initiatives des Chefs qui osent entreprendre autrement et qui encouragent une forme de transition. Le travail de ces Chefs est incontestable et leur démarche honorable.
Quand on parle de gastronomie française, on parle de goût, d’élégance, de raffinement et de gourmandise. Un plat végétal se doit d’être tout cela à la fois et contenter tous les clients en recherche de ces qualités.
La prochaine étape pour les Chefs sera peut-être de mieux comprendre la clientèle vegan et végétalienne pour atteindre une autre forme d’excellence.